Gaston, le Bon Garçon
Omonville la Rogue - Le Port du Hâble
A la mémoire du marin pêcheur en solitaire, Gaston Guillou (1966 - 2015)
Gaston, le Bon Garçon
J'ai été baptisé Gaston
Mais en fait, je n'avais pas de nom
Seulement un renom
Et je n'ai jamais su dire non
Cependant, j'exprimais mes opinions
Souvent, au pignon de mon cabanon
M'importaient, les biftons, le pognon
Car ce n'était pas ma religion
D'ailleurs, je n'ai jamais eu de millions
Mais dans ma vie de garçon
J'ai quand même fait quelques bonnes actions
Et tracer de nombreux traits d'union
La Rue Ketanou, une petite formation
M'a même écrit une jolie chanson
Le capitaine de la barrique, mais attention
De ne pas faire de confusions
Dans l'interprétation
Je me moquais des quand dira t'on
Et des jugements à la con
De ceux qui n'ont aucune éducation
Et qui prétendent toujours avoir raison
Mi-normand, mi-breton
J'étais un très bon garçon
Qu'on a voulu mettre sur un hameçon
Mais j'ai fait le hérisson
Et on m'a ramené à la maison
Nu comme un poisson
Peu à peu, avec l'érosion
J'oubliais cette nuit noire de trahison
Où j'avais pris de plein fouet le typhon
Mais en définitif, à quoi bon
Parfois, le soir, j'avais le bourdon
Alors que je leur avais accordé mon pardon
Et chaque nuit, de vieux démons
Braillant, hurlant, au dehors, avec l'aquilon
Me vociféraient des postillons
Et mutilaient encore plus mon âme en perdition
A grands coups de harpon
Le matin, lorsque sonnait le carillon
J'enfilais mes bottillons
Buvais mon café assis à mon guéridon
Et filais au port, selon
Toujours dans le même sillon
La tête dans le guidon
Puis, je prenais l'aviron
Avec Elsa, mon fidèle compagnon
Pour devenir le patron
Du "Père François", mon embarcation
C'est alors que je traçais vers l'horizon
Cap au septentrion
Lever mes filets, souvent pleins de raitons
Mais, malheureusement aussi, de goémon
Je naviguais heureux au diapason
De ma mer qui m'a bercé nourrisson
Si bien que depuis tant et tant de saisons
Je ne suis jamais parvenu à couper le cordon
Elle était devenue, pour moi, comme une addiction
J'espérais toujours un grand poisson
Du genre un thon ou un espadon
Bien qu'ils ne côtoient pas les côtes de notre région
Désolation et retour à la raison
Mais, mon pire ennemi, le vent d'amont
Qui met l'océan en ébullition
M'a fait exécuter tellement de bonds
Sauter tant de blancs moutons
Et rempli, de combien d'ablutions, mes poumons
Que je suis devenu, des mers, le vhaguabond
De mes chers parents, en conclusion
Pour qui j'éprouvais une véritable adoration
J'ai reçu la meilleure des éducations
Et tout petit, déjà, j'ai su ma vocation
Mais aussi que je n'aurais jamais d'ambition
Ils m'ont inculqué des valeurs, des notions
Appris les bonnes manières, les façons
Et j'ai bien retenu toutes les leçons
Mais, finalement, dans la précipitation
J'ai juste oublié de leur faire mes salutations
Pour qu'ils ne se fassent pas de mouron
Car je sais qu'ils ont éprouvé comme un sentiment d'abandon
Mais là où je vais, bien à l'abri des mauvaises tentations
Et des viles fréquentations
N'ayez aucun soupçon, aucune suspicion
Parce que désormais, je vogue en pleine communion
Sous la protection du Dieu de la mer, Poséidon
Requiescat in pace © - Les Mémoires de la Patrie
Composition musicale : Tomaso, Giovanni, Albinoni (1671-1751)